samedi 25 avril 2009

de Philip K. Dick


 

Si ce monde vous déplaît, de Philip K. Dick
Avec : Thierry Raynaud
Mise en scène : Mirabelle Rousseau
Traduction :
Christophe Wall-Romana
Dramaturgie : Marion Bottollier et Muriel Malguy
Scénographie : Jean Baptiste Bellon

Son : Jacob Stambach
Régie générale : Esther SilberCostumes : Axelle Von Dorpp 

Production : Le T.O.C., Collectif 12 de Mantes la jolie, avec le soutien artistique du Jeune Théâtre National et de l’EPAMSA
Le texte est publié aux éditions de l'Eclat.

Création au Collectif 12 
dans le cadre du Festival Jeunes zé jolie (octobre 2009)
Bâtiment B de l'Université Paris Ouest Nanterre (octobre 2010)
La Manufacture, Avignon OFF (juillet 2012)
Théâtre de Vanves (mars 2013)



Le projet

Dans cette conférence de 1977, Philip K. Dick témoigne d'une expérience vécue et fondatrice, à posteriori, de son oeuvre littéraire : sa prise de conscience de l'existence de mondes parallèles. Le texte développe plusieurs thèses tour à tour fantaisistes, mystiques et paranoïaques. La démonstration met en cause la certitude d'un temps présent unique et réellement vécu. Sur le plan scénographique, il s’agit de déplacer le dispositif conférencier dans un espace inapproprié afin de donner la sensation au spectateur de se trouver dans un ailleurs spatio-temporel, une « couche de temps non actualisée » dirait K. Dick.


Si ce monde vous déplaît (extraits) from Le T.O.C. on Vimeo.


Extrait du texte


Aucun de ceux d’entre nous qui sont sains d’esprit ne croit réellement, ne serait-ce qu’un instant, que de tel univers parallèles existent. Mais supposons, juste pour le plaisir, qu’ils existent en effet. Dans ce cas, comment sont-ils reliés les uns aux autres, s’ils sont effectivement reliés d’une manière quelconque ? (…) Par exemple (et la question me paraît cruciale), sont-ils complètement séparés les uns des autres, ou bien se chevauchent-ils ? Parce que si ils se chevauchent, il devient possible de répondre à des questions telles que : « ou se trouvent ils ? » et « comment passer de l’un à l’autre ? ». Tout ce que j’avance c’est que si de tels mondes existent effectivement, et se chevauchent effectivement, alors, littéralement et concrètement, il est possible qu’à n’importe quel moment donné nous habitions dans plusieurs d’entre eux à la fois, à des degrés divers. Philip K. Dick, Si ce monde vous déplaît.

Je suis certain que vous ne me croyez pas, et ne croyez même pas que je crois ce que je dis. Pourtant, c'est vrai. Vous êtes libres de me croire ou de ne pas me croire, mais croyez au moins ceci : je ne plaisante pas. c'est très sérieux, très important. Vous devez comprendre que, pour moi, le fait de déclarer une telle chose est sidérant aussi. Un tas de gens prétendent se rappeler des vies antérieures ; je prétends, moi, me rappeler une autre vie présente. je n'ai pas connaissance de déclarations semblables, mais je soupçonne que mon expérience n'est pas unique. ce qui l'est peut-être, c'est le désir d'en parler.


Ecouter une émission sur K. Dick : cliquer ici
Une vie une Oeuvre, sur France Culture
Ecouter K. Dick dire le texte : cliquer ici
Extrait de Si ce monde vous déplaît

 

Un article de Chronicart :
Source : http://www.chronicart.com/dick/ev4.php3

En 1977, Philippe Hupp a eu l'idée saugrenue de faire venir Philip K. Dick en France pour le festival de science-fiction de Metz qu'il venait juste de fonder. Genèse et récit de la venue du messie de la SF en contrée lorraine par son témoin le plus proche.

Je connais P.K. Dick en tant que lecteur depuis 1972 (Le Dieu venu du Centaure). En 1974, j'étais parti habiter à Londres où j'ai découvert de nombreux auteurs de science-fiction. Parallèlement, j'avais débuté depuis un an un travail de traducteur. Ma deuxième traduction était pour Opta, un livre nommé Le Maître des Arts. Lors d'un retour de convention de Science Fiction en 1975, j'ai rencontré Robert Louït, alors directeur de collection chez Calmann-Lévy. Il m'a proposé de traduire le premier livre de Dick qu'il éditait, Le Temps désarticulé. C'est sûrement le livre le plus dickien qui existe, celui dont le scénario est le plus intéressant. Il s'agit notamment de la matrice du film The Truman show, mais les gens ne connaissent pas le livre en tant que tel.
J'étais devenu totalement fou de Dick mais je savais que le personnage était difficile à cerner. La dernière fois qu'il était allé au Canada pour une convention de SF, il avait tenter de se suicider ! J'ai lancé mon festival à Metz en 1976 et dès la première année j'ai réussi à faire venir Théodore Sturgeon, un auteur fabuleux tombé progressivement dans l'oubli depuis. Je me souviens avoir demandé la caution des éditeurs pour faire venir Dick. On m'avait pourtant dès le départ découragé en me signalant que Dick ne se déplaçait jamais, même pas à l'intérieur de la Californie. Tout le monde me disait que c'était une belle idée, mais qu'elle n'aurait pas de suite.
Je me suis alors rendu en Californie en 1977 pour le rencontrer directement. Il venait juste de publier un livre avec Roger Zelazny, intitulé Deus Irae. Mon invitation tenait donc pour eux deux. Je l'ai vu chez lui, à Santa Ana, au bout de la banlieue de Los Angeles. Il habitait dans un complexe de style hispanique, bardé de caméras de surveillances et de grilles. Il avait un petit deux pièce et vivait entièrement dans la pénombre. Son hobby était de priser du tabac. Il m'avait invité dans un restaurant italien ; on a longuement discuté et beaucoup bu. Le personnage de Dick était finalement quelqu'un de très agréable, peut-être un peu déphasé, mais très aimable. J'ai pris quelques photos en partant, devant une grande église espagnole.
S'en est ensuivi un long échange de correspondances avec Zelazny et moi jusqu'au jour où Dick est sorti de ce vieux DC 10 sur le petit aéroport de Luxembourg : je n'y croyais pas réellement car personne n'imaginait qu'il puisse venir !
Dick, lui-même, en a été étonné. Dans une de ses préfaces, il disait que ça avait été une des plus belles semaines de sa vie car il était reconnu, entouré, choyé. A l'époque, aux Etats-Unis, il n'existait pas et les éditeurs ne le publiaient pas. Il était déjà complètement oublié car il ne produisait pas assez. Au bout de six jours, il était mort de fatigue, beaucoup trop de monde le sollicitait. Parallèlement, Harlan Ellison, un des grands noms de cette époque, jalousait son succès et se disputait sans arrêt avec Dick pendant le festival.
Le festival était archi-visité. Seul Jacques Sadoul, qui dirigeait alors la revue Univers, a affirmé par la suite, par je ne sais quel esprit de vengeance, que la salle de conférence était vide. En réalité, beaucoup de gens non habitués à ce genre de convention étaient venu voir Dick. Il était arrivé presque comme un messie, ce qui lui avait beaucoup plu. Il avait fait une conférence sur commande et préparée en audio pour la faire valider avant son intervention en direct à Metz. La version publiée a posteriori est en fait beaucoup plus courte car Dick avait finalement supprimé quelques passages, de peur de paraître trop cryptique. Le discours était étonnant et, malheureusement, la traduction parlée était de mauvaise qualité. Quand on lit le texte aujourd'hui, on s'aperçoit qu'il s'agit presque d'un petit roman.

7 Hebdo, 13 mai 2007
Le festival disparu

Le 24 septembre 1977, Philip Kindred Dick, monstre sacré de la science-fiction américaine, prononce dans le salon de l’hôtel de ville sa célèbre Conférencede Metz, et déclare avoir passé dans la cité messine« la plus belle semaine de sa vie ». Un festival international est né, mais l’événement prodige meurt après onze éditions. Tandis qu’à Epinal s’ouvrent les Imaginales 2007, retour sur un ovni culturel. Par Jean-Baptiste DEFAUT

C’est à l’audace de Philippe Hupp, jeune étudiant en lettres au Saulcy, que la Lorraine doit l’extraordinaire souvenir de onze ans d’un Festival international de SF qui vit défiler les plus grandes plumes anglosaxonnes de l’époque, devenues pour les jeunes lecteurs d’aujourd’hui de lointaines légendes pop.Que l’on songe à cette liste effarante de fantômes hantant la ville verte : Philip K. Dick, Franck Herbert, John Brunner, Roge Zelazny, Christopher Priest, Robert Scheckley, Stephan Wul, Théodore Sturgeon, P.J. Farmer,Richard Matheson, Ian Watson, Norman Spinrad,ThomasDisch,Robert Silverberg… On croit rêver, non ? En ces temps improbables, Metz accueillait une librairie spécialisée dans la SF (Les Années-Lumières, 12 rue des Parmentiers), la revue L’Aube Enclavée publiait des traductions d’inédits des maîtres anglo-saxons, une autre revue, Insolite, proposait aux enseignants des outils pédagogiques à base de textes de ce "mauvais genre", l’université s’intéressait à la littérature populaire et le festival battait son plein, avec la bénédiction de la mairie et une foule de sponsors. Le Républicain Lorrain couvrait l’événement et y consacrait de nombreux articles chaque année.

A la chaleur de la décennie 76-86, on aurait dû se douter que la ville était prise d’une fièvre futuriste ardente mais aussi éphémère qu’un bon rhume ! Pourquoi cette fulgurance ? Que sont donc venus faire à Metz ces auteurs célèbres et pourquoi le festival a-t-il disparu si brusquement ? Si la première édition du festival a lieu en 1976, c’est le millésime 77 qui propulse l’événement et attire par la suite la cohorte de monuments littéraires. Et ce qui, cette année là, devait lancer le phénomène, c’est la venue de Philip K. Dick à Metz, lui qui ne voyage quasiment jamais, même en Amérique, et qui a tenté de se suicider lors de la seule convention SF qu’il a fréquenté aux USA. Pendant son séjour messin, Dick prononce à l’hôtel de ville sa célèbre Conférence de Metz.
Devant un étrange public mal assorti de fans de SF, d’enseignants, de représentants officiels, et de journalistes, le barbu californien lit tranquillement un texte hallucinant qui plonge les néophytes dans une perplexité inquiète et qui sidère les connaisseurs. Cette conférence, intitulée Si vous pensez que ce monde est mauvais, vous devriez en voir quelques autres, que l’on peut lire dans le recueil Total Recall chez Gallimard , récemment réédité, est à elle seule un moment charnière de l’histoire de la SF et de celle de l’œuvre de Dick. A la fois conférence, petite nouvelle et expérience littéraire inédite, ce discours provoque chez le lecteur ou l’auditeur un malaise existentiel en brouillant la frontière entre réalité et fiction.

A l’époque, tout le monde s’empresse d’oublier le discours, mais pas le miracle : Philip K. Dick a adoubé la ville de Metz, et désormais tout le petit monde des best-sellers du futur se bouscule à la porte Serpenoise. C’est ce qui permettra à Philippe Hupp d’aligner neuf éditions supplémentaires de son festival international. Sa disparition est plus triviale que sa naissance : tout au long de l’aventure, le budget est en déficit croissant, l’accueil de stars coûte cher et le public reste limité. Les dettes sont épongées par la mairie de Metz, qui finit par en avoir assez et met un terme à l’opération. Dans la région, d’autres festivals de SF verront le jour, mais la littérature anglosaxonne n’y sera plus ou peu représentée. On peut se consoler avec les meilleurs auteurs français aux Imaginales 2007 qui ont lieu à Epinal.